L’effet Zeigarnik

Quel est le point commun entre un garçon de café, Ernest Hemingway et vous même ? Vous devez tous composer avec les impacts de « l’effet Zeigarnik » sur votre mémoire et vos performances !

Mme Bluma Zeigarnik

Bluma Zeigarnik - http://www.feministvoices.com

L’effet Zeigarnik est un phénomène cognitif découvert au début du 20ème siècle par la psychologue soviétique Bluma Zeigarnik. Elle eu l’intuition qu’on retiendrait beaucoup mieux les tâches non terminées que les tâches terminées. Cette hypothèse lui apparut en observant le fait que des serveurs se remémoraient très bien les commandes pas encore servies, mais les oubliaient totalement dans la seconde qui suivait le service de la commande.

Bluma Zeigarnik vérifia ensuite cette hypothèse expérimentalement. Elle demanda à des personnes de réaliser certaines tâches (faire des figures en terre, des calculs mathématiques, etc), en interrompant certaines de ces tâches, ou au contraire en les laissant se terminer sans interruption. Peu après cette première phase de l’expérience, on demanda aux personnes testées les tâches dont elles se souvenaient. Résultat, les tâches interrompues étaient 2 fois mieux retenues en mémoire que les tâches accomplies jusqu’au bout.

Ces résultats ont ensuite été confirmés par d’autres études.

Que vous le vouliez ou non l’effet Zeigarnik va donc s’appliquer à vous, en créant une empreinte cognitive importante pour les tâches non terminées.

  • Quels sont les dangers de cet effet sur nos capacités cognitives ?
  • Comment s’en protéger ?
  • Encore mieux, comment retourner cet effet à notre avantage ?

Le multi tasking et l’effet Zeigarnik

L’effet Zeigarnik explique en partie les effets du multi tasking sur la mémoire et l’attention.

Par définition, la pratique du multi tasking va ajouter des tâches non terminées à votre encours mental. Ces tâches vont alors occuper un certain espace de votre mémoire, au détriment d’autres tâches plus importantes qui devraient bénéficier de toutes vos ressources mentales.

L’email, démultiplicateur de l’effet Zeigarnik

On subi totalement l’effet Zeigarnik quand nous ressassons un email reçu à la suite d’une malheureuse consultation de boite email. Prenons le pire cas où nous jetons négligemment un œil à notre boîte email professionnelle le dimanche matin. Dans cette situation, nous créons automatiquement une tâche « répondre à cet email », qui va occuper une bonne partie notre mémoire et nous saboter le dimanche.

Rien n’y fait, l’effet Zeigarnik sera plus fort que nous, et nous allons penser à la réponse à envoyer lundi au retour au bureau, aux données à vérifier avant de répondre, aux arguments à développer dans la réponse, etc. Tous ces éléments resteront présents en mémoire tant que la tâche liée « traiter cet email » ne sera pas terminée.

Qui ne s’est jamais fait piéger par l’effet Zeigarnik dans cette situation nous jette la première pierre !

Plus généralement, l’effet Zeigarnik est une raison fondamentale pour éviter de regarder ses emails trop fréquemment. Chaque vérification de votre boîte email va diminuer radicalement l’espace mémoire à votre disposition pour les choses importantes, en l’occupant par tout les informations liées au traitement des emails que vous avez à peine parcouru et qui sont très loin d’être prioritaires !

Se protéger de l’effet Zeigarnik

Le traitement est simple en ce qui concerne l’effet Zeigarnik rencontré suite à la consultation de boite email, mais pour autant très difficile à mettre en œuvre (on aura l’occasion d’en reparler) : ne pas regarder ses emails si on se refuse à vivre avec une multitude de tâches « ouvertes », qui vont occuper notre esprit et probablement diminuer notre performance sur les tâches déjà en cours.

L’effet Zeigarnik s’applique en dehors de la question de la consultation de mails, notamment lorsqu’on multi task et dès que l’occupation de notre mémoire va être sous optimale par rapport à nos vraies priorités. Dans toutes ces situations, on peut chercher des idées de protections contre l’effet Zeigarnik du côté de David Allen et de sa méthode Getting Things Done, ou de la méthode Personal Kanban ou d’autres méthodes d’efficacité personnelle.

Au fond, peu importe l’approche, on en revient toujours aux mêmes principes clés :

  • D’abord, maîtriser son encours de tâches en limitant le nombre de tâches entreprises en parallèle. Autrement dit en horrible jargon franglais, moins multi tasker. Mais comment limiter quand on a plein de choses à faire ? Un premier pas : commencer à terminer (des tâches) et arrêter de commencer (de nouvelles tâches) !
  • Ensuite découper en sous tâches plus petites avec des objectifs intermédiaires plus proches de nous, afin d’éviter que tout ce qu’on entreprend soit en permanence dans un état « en cours ».
  • Enfin, simplement noter les tâches non terminées et le plan pour les terminer permet de décharger votre mémoire de cet encours. L’impact de cette décharge mentale pour lutter contre l’effet Zeigarnik a bien été confirmé scientifiquement, notamment dans l’étude Consider It Done! Plan Making Can Eliminate the Cognitive Effects of Unfulfilled Goals

Un extrait qui résume les résultats de cette étude :

“Unfinished goals caused intrusive thoughts during an unrelated reading task, high mental accessibility of goal-related words, and poor performance on an unrelated anagram task. Allowing participants to formulate specific plans for their unfulfilled goals eliminated the various activation and interference effects.

Retourner l’effet à votre avantage

Une fois qu’on a limité les dégâts de l’effet Zeigarnik, on peut aussi chercher à en tirer bénéfice !

Ainsi, on peut profiter de cet effet en laissant volontairement non terminées certaines tâches, en sachant que le cerveau va nous forcer à y revenir régulièrement. Dans ce cas, assurons nous que ce sont des tâches qui méritent vraiment une réflexion longue, et pas des tâches simples ou des tâches pour lesquelles une réflexion prolongée n’améliorera pas le résultat, perturbant seulement le traitement des autres.

La procrastination d’une tâche qu’on ose entamer ne rentre évidemment pas dans cet usage positif et malin de l’effet Zeigarnik ;-)

Ernest Hemingway - wikimedia.org

Hemingway avait bien compris l’utilisation positive de l’effet Zeigarnik et s’arrêtait volontairement au milieu d’une partie de son texte d’un jour sur l’autre, comme il l’expliquait dans The Paris Review :

“You write until you come to a place where you still have your juice and know what will happen next and you stop and try to live through until the next day when you hit it again.”

La recommandation est donc de laisser ouvert volontairement les problèmes ou sujets qui gagneront à être distillés longuement en mémoire ! Testé et approuvé : pour la plupart des articles de ce blog, dont celui-ci, les idées principales me viennent après avoir « semé » mentalement le thème de l’article quelques jours plus tôt.

Conclusion

Reconquérir notre temps passe en autres par l’optimisation de nos capacités cognitives pour réaliser ce qui nous tient vraiment à cœur, mieux et plus vite. Nous avons découvert l’impact de l’effet Zeigarnik dans ce domaine.

On retient donc 2 fois mieux des tâches non terminées que des tâches terminées ! Les maux de cet effet sur notre mémoire sont clairs : les tâches non terminées vont s’empiler, au détriment de choses plus importantes. Et les remèdes sont simples (mais difficiles à appliquer) : limiter l’encours, découper finement, noter.

Retourner cet effet façon Judo consiste alors à laisser ouvert volontairement quelques rares tâches bien précises, qui méritent elles, une occupation longue de nos capacités cognitives !

2 pistes pour avancer concrètement :

  • identifiez les circonstances récurrentes dans lesquelles vous subissez l’effet Zeigarnik. La situation la plus classique est la brève vérification d’email, qui va conduire à consommer vos ressources cognitives sans que vous le vouliez vraiment. Mais il y sûrement d’autres situations de ce type qui vous pénalisent, à vous de mettre le doigt dessus pour mieux les contrecarrer et remaîtriser vos ressources intellectuelles et les consacrer à ce qui compte vraiment.
  • dans l’autre sens, lister les réflexions riches et récurrentes auxquelles vous aimeriez consacrer plus de ressources (préparation d’une présentation, conception d’un algorithme, apprentissage d’une nouvelle compétence…). Trouver alors les mécanismes qui vont vous permettre de « semer » ces réflexions façon Inception, pour leur donner mécaniquement plus de ressources cognitives. Vous aurez retourné l’effet Zeigarnik à votre avantage !

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