En quoi un homme d’état romain du 1er siècle peut-il nous aider à reconquérir notre temps ?
Amorcer un changement à la lecture de classiques
La motivation est le facteur clé pour trouver ensuite la volonté et l’énergie de changer véritablement notre rapport aux temps.
On peut trouver cette motivation en étant à l’écoute d’arguments rationnels, par exemple sur les effets prouvés du multi tasking sur nos capacités intellectuelles, ou encore sur la mesure du temps passé à lire nos emails.
Dans un autre registre souvent plus enthousiasmant, on peut aussi trouver l’énergie de changer nos habitudes en parcourant un texte qui résonne en nous particulièrement, et parfois, créé magiquement un élan suffisant pour modifier certains de nos comportements.
Sénèque
Regardons un instant du côté de Sénèque, homme d’état romain du 1er siècle et philosophe du mouvement stoicien. Ce courant philosophique est en ce moment redécouvert dans la Silicon Valley ou largement mis en avant par Tim Ferriss.
Vous allez vous dire « qu’ai-je à apprendre sur le temps, d’un philosophe du 1er siècle qui portait une toge et n’avait pas de compte Facebook » ? Et bien détrompez vous. Les réflexions de Sénèque, notamment sur notre rapport au temps, demeurent extrêmement pertinentes pour plusieurs raisons :
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parce que Sénèque a fait partie du tout Rome comme certains font partie du tout Paris. Il a connu célébrité, richesse et pouvoir, et a été l’un des hommes les plus influents de l’empire romain de son époque. Son acuité sur nos occupations, nos distractions, les relations sociales, etc n’en est que plus forte.
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parce qu’il a été extrêmement prolifique d’un point de vue littéraire et philosophique (des dizaines d’œuvres de morale, des tragédies, des poèmes). Sa maîtrise du temps et l’équilibre qu’il a su maintenir entre ses activités sociales et politiques d’un côté, créatives et artistiques de l’autre, est exemplaire.
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parce que les singes parlants que nous sommes n’ont pas changé d’un iota leur psyché ni leurs comportements depuis 20 siècles. A la lecture, la traduction des situations de cette époque en situations modernes, est même plutôt réjouissante.
Sur la brièveté de la vie
Voici quelques extraits lumineux de l’essai Sur la brièveté de la vie de Sénèque, qui je l’espère, vous apporteront inspiration et énergie dans vos efforts d’amélioration.
Tout d’abord pour répondre à ceux qui se plaignent de la brièveté de la vie (chapitre I) :
« Nous n’avons pas véritablement une existence courte, mais nous en gaspillons une part considérable. La vie nous a été donnée assez longue et avec une libéralité propre à l’achèvement des plus grandes choses, pour peu qu’elle soit bien gérée de bout en bout ; en revanche, dès lors qu’elle s’éparpille à travers luxe et inadvertance, dès lors qu’elle n’est dépensée pour aucune œuvre de qualité, finalement acculés par l’ultime et fatal décret, sans avoir réalisé qu’elle s’en allait, nous sentons qu’elle a passé. C’est comme ça : nous ne souffrons pas d’une vie brève en soi mais nous la faisons telle, nous n’en sommes pas déficitaires mais prodigues. »
Puis Sénèque insiste sur notre responsabilité et notre maîtrise possible de ce temps qui nous semble trop court parce que mal géré :
« Ainsi d’immenses et royales ressources, échues à un mauvais maître, en un moment sont dissipées, mais si modestes soient-elles, qu’on les confie à un bon gestionnaire, elles s’accroîtront à la longue : de même notre existence, à qui l’administre bien, offre de vastes perspectives. »
Sur ce gaspillage immense, il demande à un viel homme en fin de vie un moment de lucidité sur sa vie passée (ch. III) :
« Repasse dans ta mémoire à quelle occasion tu as réussi à t’en tenir à ce qui était décidé, les rares journées qui se sont réalisées comme tu l’avais escompté, les moments où tu as pu disposer de toi-même, où ton visage resté serein, ton esprit impavide, quelles œuvres dans une si longue vie tu as réussi à réaliser, le nombre de gens qui ont pillé ta vie à ton insu sans que tu aies mesuré la perte, ce qu’une vaine douleur, une joie idiote, une passion, une conversation flatteuse, ont pu te voler. »
Sénèque, s’il écrivait de nos jours, remplacerait sans doute « joie idiote, passion et conversation flatteuse » par émissions télé insipides, conversations vaniteuses sur les réseaux sociaux ou heures stériles à vérifier si de nouveaux emails sont arrivés.
Puis sur les raisons de ce gaspillage (ch. III) Sénèque poursuit :
« Vous vivez comme si vous alliez vivre toujours, jamais votre fragilité ne vous vient à l’esprit, vous n’observez pas combien de temps est déjà passé ; vous le perdez comme si vous en aviez tant et plus, quand – pour ce qu’on en sait – peut-être que celui-là même que vous donnez à quelqu’un ou à quelque chose est votre dernier jour. Autant vos peurs incessantes sont celles de mortels, autant vos désirs incessants sont ceux d’immortels. »
Sénèque met en regard la valeur inestimable du temps comparée aux biens matériels qui nous paraissent bien maigres quand celui-ci s’épuise, ou que la maladie nous submerge (ch. VIII) :
« Les gens adorent recevoir pensions et allocations, et, pour les obtenir, ils ne ménagent ni leur peine, ni leurs sacrifices, ni leur énergie : personne n’apprécie le temps à sa véritable valeur ; chacun en use avec lui sans retenue, comme s’il était presque gratuit. Or ces mêmes gens, regarde-les, une fois malades, si le danger de mort les serre de trop près, inonder de larmes les genoux des médecins, et s’ils craignent la peine capitale, ils sont prêts, pour conserver la vie, à sacrifier tout ce qu’ils ont ! […] Si, pourtant, l’on pouvait faire connaître à chacun le nombre, à l’instar des celui des ans qu’il a déjà vécus, des ans qui lui restent à vivre, comme trembleraient ceux qui verraient le peu de temps qui leur reste, et comme ils géreraient ces années avec parcimonie ! »
Le texte finalement nous encourage à reconquérir notre temps (ch XIX) :
« Rentre en possession de toi-même grâce à des activités plus tranquilles, plus sûres, plus nobles ! […] Veux-tu bien cesser de rester les yeux rivés au sol, et tourner mentalement ton regard vers tout cela ! Maintenant, tandis que ton sang est chaud, ta verdeur se doit d’aller vers ce qu’il y a de meilleur ici-bas. »
Conclusion
Je vous invite à parcourir ce court texte Sur la brièveté de la vie, pour y découvrir d’autres passages superbement d’actualité qui vous donneront un sain coup de fouet dans votre réflexion sur votre rapport au temps, et vous aideront peut-être à changer vos habitudes.
Et vous, quels textes classiques ayant passé le test des siècles, vous ont permis de vous mettre en mouvement, pour reconquérir votre temps ?
Ces extraits de Sénèque vous ont motivé pour reprendre en main votre temps ? La formation Le Temps Reconquis vous donnera les outils pour le remaîtriser malgré les turbulences !