Procrastination, ce que dit la science (1ère partie) : procrastination, stress, santé et performance

Je procrastine, tu procrastines, il procrastine, nous procrastinons, vous procrastinez, ils procrastinent.

Quelle expérience plus commune chez chacun d’entre nous que la remise à plus tard de ce qu’on pourrait faire là maintenant ? Qui ne vit pas chaque jour (plusieurs fois par jour ?) la frustration de se sentir faire le mauvais choix en ne faisant pas l’action qui le rapprocherait de ses aspirations les plus profondes, ou bien plus prosaïquement en laissant bien traîner cette déclaration d’impôt, au risque de devoir payer la pénalité de retard ?

Passez votre chemin si vous faites partie des quelques sur-hommes ou super women qui ne se sentent pas concernés par la procrastination. Pour les autres, cet article est le premier d’une série abordant le point de vue de la science sur la question de la procrastination. L’objectif du détour par la science n’est pas de partager des théories complexes ou des statistiques chiffrées, mais plutôt de s’assurer qu’on comprend vraiment le phénomène, en particulier ses causes et ses effets réels. Ne rêvez-vous pas de trouver enfin de vraies protections anti procrastination, ou même qui sait, de mieux vous supporter comme procrastinateur ?

Un sujet d’étude récurrent

Donnons-nous une définition qui résume toutes les formes de procrastination.

Procrastiner c’est volontairement retarder une action.

La question de la procrastination est extrêmement étudiée par les scientifiques. Normal, la procrastination est au cœur du monde universitaire, qu’on soit chercheur devant rédiger un article, doctorant sa thèse, ou étudiant son mémoire. Tout ce beau monde vit tant bien que mal avec la procrastination comme une préoccupation de chaque instant.

La recherche dans Google Scholar sur le terme “procrastination” donne ainsi près de 6 000 résultats sur l’année 2015 uniquement. Ces travaux sur la procrastination sont issus de disciplines aussi diverses que la psychologie comportementale, la psychologie clinique, les neurosciences ou encore l’économie comportementale. Le monde universitaire est donc un véritable labo de la procrastination, et la plupart des études font appel à des cobayes qu’on trouve sur place et à bon marché : les étudiants.

Commençont cette série science et procrastination par l’étude des liens prouvés entre la procrastination et le niveau de stress, de santé, et de performance, histoire de nous vérifier qu’en plus de réaliser davantage de nos projets, nous gagnerions en qualité de vie à moins procrastiner.

Procrastination, stress, santé et performance

Attachons nous ici aux résultats d’un article intitulé LONGITUDINAL STUDY OF PROCRASTINATION, PERFORMANCE, STRESS, AND HEALTH: The Costs and Benefits of Dawdling, par Tice et Baumeister.

Cet article se base sur des études menées avec des dizaines d’étudiants chez qui on mesure au début d’un semestre la tendance à procrastiner. Puis ces étudiants participent à des examens et doivent rendre un mémoire à la fin du semestre. Des protocoles complémentaires permettent de mesurer leur niveau de stress en début et en fin de semestre, ainsi que leur niveau de santé et bien sûr leur performance aux examens et au mémoire de fin de semestre.

Les hypothèses

Quelles corrélations peut-on attendre entre tendance à procrastiner, niveau de stress, problème de santé et performance ?

On imagine intuitivement un stress supplémentaire chez les gros procrastinateurs lorsqu’on se rapproche de la date fatidique mais ce stress est peut-être compensé par un mieux vivre au début du semestre, lorsqu’ils retardent la tâche à accomplir. De plus, le procrastinateur invétéré pourrait arguer que le stress sera moindre au total car étalé sur une période beaucoup plus courte. Le lien global entre procrastination et niveau de stress ne saute a priori pas aux yeux.

De la même façon, la relation entre procrastination et performance n’est pas évidente. Les champions de la procrastination diront sans doute qu’ils travaillent mieux sous la pression d’une date très proche car elle leur permet de travailler plus efficacement et de ne pas perdre de temps dans des chemins de traverse stériles.

Les résultats de l’étude

Sur la performance

Les résultats de l’étude sont nets ! Les personnes qui ont une plus grande tendance à procrastiner obtiennent des résultats significativement moins bons. La procrastination n’est donc pas un comportement positif d’organisation et de gestion du temps comme on peut l’entendre parfois.

Le lien de causalité procrastination => moins bons résultats semble assez sûr car d’autres études montrent qu’il n’y a aucune corrélation entre capacités intellectuelles (notamment le QI) et tendance à procrastiner. Les procrastinateurs récurrents sont donc tout aussi intelligents que les autres…mais moins performants du fait de leur tendance à procrastiner.

Sur le stress et la santé

Comme on pouvait s’y attendre l’étude montre que les procrastinateurs sont moins stressés et moins malades en début de semestre, mais plus stressés et plus malades que les non procrastinateurs en fin de semestre. Ok mais quel effet au global sur le semestre ? Et bien, l’étude montre que sur l’ensemble du semestre les procrastinateurs sont légèrement plus stressés et significativement plus malades que les autres !

On pourrait se dire que des étudiants de 20 ans qui rédigent des mémoires sur des cycles de 6 mois ne sont pas du tout représentatifs de nos environnements. D’autres études, notamment celle intitulée I’ll look after my health later, ont pourtant confirmé ce lien entre procrastination et stress sur des adultes.

En revanche, le lien de cause à effet entre procrastination et santé n’est pas déterminé de façon sûre : d’une part les forts procrastinateurs ont tendance à repousser les comportements de prévention et de soin (visite chez le dentiste, etc), d’autre part le stress accru peut aussi diminuer leurs défenses immunitaires et fragiliser ainsi leur santé.

Au passage, l’étude I’ll look after my health, later montre que les forts procrastinateurs réalisent significativement moins d’action de prévention contre les accidents domestiques (du genre je vérifie régulièrement les piles de l’alarme à incendie). Ainsi, ils ne mettent pas seulement en danger leur santé mais aussi celle de leur famille (cf les milliers d’accidents domestiques chaque année).

Conclusion

En plus d’être moins performants, les procrastinateurs avérés sont donc plus stressés et en moins bonne santé. Les inconvénients dépassent significativement les bénéfices dès qu’on considère le moyen/long terme. On peut alors redéfinir la procrastination comme suit :

« Procrastiner c’est volontairement retarder une action même en s’attendant à ce que la situation se dégrade suite à ce retard. »

Les psychologues parlent ainsi de comportement irrationnel, car nous continuons à procrastiner tout en sachant que cela nous rend plus malheureux.

A ce stade, je me dis que ce premier article nous accable tous un peu plus, moi le premier ;-) vis-à-vis de nos tendances à procrastiner. Le constat des méfaits tous azimuts étant fait, les prochains articles de cette série sur la procrastination vont nous permettre d’y voir plus clair sur les causes probables de nos tendances à procrastiner, puis d’identifier les vraies bonnes mesures à adopter pour nous en protéger, au-delà des conseils de pseudo bon sens qu’on peut glaner ici ou là.


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